Patchwork : les détours pour arriver au but

Certains chefs du personnel n’aiment pas les multiples changements de métiers et de branches dans la biographie professionnelle. Celui qui a un fil rouge dans son CV malgré une carrière en zigzag augmente donc ses chances d’obtenir un poste.

La carrière d’Erwin Spengler, 48 ans, pilote dans une petite entreprise pour vol d’affaires, se déroula en zigzags. Après sa formation de serrurier-mécanicien, il se rendit compte que ce métier était un peu trop unilatéral pour lui. Désemparé, il se mit à voyager et resta trois ans en Asie. De retour en Suisse, il travailla dans un bistro et fit la formation de cuisinier. Les stations professionnelles suivantes furent certes des restaurants renommés, mais la rémunération était si mauvaise qu’il travaillait en tant que mécanicien pendant les vacances.

Malgré les zigzags - c’est le fil rouge qui compte

« Jusqu’alors, je cherchais surtout à me réaliser dans le travail, mais je suis alors devenu pragmatique. » Il se réorienta et fit la formation de pilote. Après cela, il ne trouva pas de poste. « J’avais 33 ans, et ceci lié à zéro expérience, apparemment, cela dérangeait. » Ainsi, il pilota des interventions de l’ONU en Afrique du Nord pendant deux ans. Ensuite, il trouva également des postes au pays, mais c’est seulement le troisième qui fut « le bon ».

« Le chemin m’a amené à essayer. » Un essai dans une compagnie aérienne s’avéra être une mauvaise décision. « Il m’y manquait la marge de manœuvre. » A 44 ans, il trouva son travail actuel dans lequel il veut rester. « Le fil rouge de mon CV est la polyvalence entre la technique et les services », souligne-t-il.

Le dossier de candidature doit sauter aux yeux

Un tel « fil rouge » est ce qui est le plus important lorsqu’on se présente avec une carrière aussi multicolore, nous dit Peter Gisler, coach en carrière. De par sa propre expérience dans le management de personnel, il désigne les images préfabriquées de la « bonne » trajectoire pour un poste comme étant le plus grand obstacle.

Afin d’avoir des chances avec une carrière en dehors du commun, le dossier de candidature devrait sauter aux yeux. « Le mieux est de commencer par le profil central des compétences venant des domaines d’expérience les plus importants, et c’est seulement après que l’on énumère les stations professionnelles. » Sur www.be-werbung.ch (en Allemand), Gisler montre avec des CV concrets de quelle manière le « travail de rapiéçage » (patchwork) peut être présenté de façon claire.

Savoir expliquer les ruptures de façon compréhensible

Comment les entreprises jugent-elles les biographies patchwork ? Isabelle Bolt, responsable RH-Marketing chez Siemens Suisse, nous dit : « L’appréciation dépend avant tout de la justification donnée pour le changement », dit-elle. Et la durée des stations professionnelles ou des interruptions joue également un rôle. « La carrière doit suivre une certaine logique : y-a-t-il une évolution ou est-ce toujours à nouveau du « sur place » ? » De quelle manière un candidat doit-il procéder ? « Les changements doivent être présentés de façon compréhensible sans explications vagabondantes », conseille Isabelle Bolt.

Le monde du travail d’aujourd’hui génère de plus en plus de carrière patchwork. Pourtant, celles-ci sont jugées de façon plus sceptique. « Pour une attribution interne de poste, on souhaite de l’expérience dans différents domaines, pour des candidatures externes, les changements et les ruptures soulèvent la question de la persistance et de la constance », tel est le bilan de la spécialiste du personnel.

Ordonner les désirs et la réalité

Claire Barmetteler, copropriétaire de l’institut s&b pour la conception de la vie et du métier, accompagne également des processus de sélection pour les postes de cadre internes aux entreprises. « C’est l’aptitude à concentrer ses propres ressources de façon ciblée qui est décisive. » Pour cela, il faut se pencher sur soi-même. « Classer les désirs et la réalité, planifier par étape, s’informer de manière ciblée. »

Continuer à grimper les échelons de la carrière

Elle constate que chez ses clients, des changements fréquents se déroulent dans la direction inverse de la carrière espérée : après un changement de métier, beaucoup d’employés travaillent à nouveau au même niveau hiérarchique ou dans la même fonction. Ainsi, ils n’obtiennent pas la possibilité de gravir les échelons de la carrière. Les changements provoquent - surtout avec l’âge - une stagnation ou même une descente. C’est au niveau du salaire que cela se voit le mieux.

Elle alla chercher un soutien professionnel. « En ordonnant mes compétences, mon potentiel apparu clairement. » Elle démissionna de son poste et tenta un nouveau départ en tant que directrice de formation. En même temps, elle fit une formation complémentaire. A la différence d’autrefois, elle focalisa sa candidature sur ses compétences telles que la pensée en réseau.

Le congé parental en tant que chance

La situation de départ est un peu différente pour des carrières patchwork avec des interruptions plus longues. Avec la Prisma Personalberatung AG, Erika Bleisch Imhof propose un accompagnement spécial pour les femmes. « Le congé parental et les changements dans le métier offrent aussi des avantages aux employeurs », dit-elle. Elle énumère la flexibilité, l’humour, le flegme, la compréhension pour les autres personnes dans la même situation. Et elle souligne : « L’expérience et la pensée en réseau amènent souvent à plus de compétence sociale. »

D’un autre côté, ces carrières sont plus difficiles à évaluer et le travail dans la famille est encore et toujours jugé comme des « années perdues » dans l’expérience professionnelle. « Il est donc d’autant plus important de rendre visibles ses compétences, celles acquises dans un travail de bénévolat également », nous explique la consultante en personnel.

( Rita Torcasso / Illustration : Digital Vision )